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Casablanca: Désillusion Glorieuse et L’Âme d’un Géant Moderne
On va faire un constat honnête : Casablanca déçoit souvent au premier regard. Elle n’a pas la carte postale historique de Fès, le chatoiement coloré de Marrakech, ou le charme bleu de Chefchaouen. Ce que vous voyez d’abord depuis l’autoroute, ce sont des immeubles d’affaires, des échangeurs routiers et une étendue urbaine qui semble sans fin.
J’avoue avoir ressenti cela aussi. Mais rester dans cette première impression, c’est comme juger un livre à sa couverture ternie. Casablanca, c’est l’anti-Marrakech. C’est la ville qui ne joue pas à être exotique pour vous. Elle travaille, elle crée, elle regarde vers l’océan et vers l’avenir. Elle vous offre non pas un voyage dans le temps, mais une plongée vibrante, parfois rugueuse, dans le Maroc d’aujourd’hui. Et pour qui sait l’écouter, elle devient une révélation.
Le Monument et la Mer : La Mosquée Hassan II et la Corniche
Tout commence ici, forcément. La Mosquée Hassan II n’est pas seulement un lieu de culte ; c’est une déclaration d’intention, un prodige d’ingénierie, et le véritable cœur symbolique de la ville. Construite sur la mer, son minaret de 200 mètres est le plus haut du monde. La première fois que je l’ai vue au coucher du soleil, les pieds dans l’écume du ressac, sa lumière laser verte traversant le ciel crépusculaire, j’ai été saisi par son audace.
La visite guidée (la seule possible pour les non-musulmans) est indispensable. À l’intérieur, la salle de prière, pouvant accueillir 25 000 fidèles, est d’une beauté à couper le souffle : marbre de Carrare, zellij d’une complexité infinie, plafond de cèdre ouvragé qui s’ouvre. On ressent la fierté d’une nation entière.
En sortant, prenez à gauche et marchez. Vous arrivez sur la Corniche, l’artère balnéaire de la ville. C’est là que Casablanca respire, se défait de son costume de travail. Le week-end, c’est un balai incessant de familles, de joggeurs, d’amis qui sirotent un jus d’orange sur un banc. D’un côté, l’Atlantique qui frappe les rochers ; de l’autre, une succession de piscines des années 30, de cafés modernes et de restaurants de fruits de mer. L’ambiance est détendue, presque méditerranéenne. Pour un café avec vue, le Miami Plage ou le Caesars sont des institutions un peu fatiguées mais pleines de caractère.
Le Trésor Caché : Le Quartier des Habous et le Vieux Médina
Contrairement aux idées reçues, Casablanca a une médina. Deux, même. Ne cherchez pas le labyrinthe tentaculaire de Fès ; celle de Casablanca est plus petite, plus ordonnée, et surtout, moins touristique. C’est un vrai quartier vivant.
Le vrai joyau, c’est le Quartier des Habous (ou « Nouvelle Médina »), construit sous le protectorat français dans les années 20. C’est un pastiche architectural réussi, mêlant art mauresque et besoins modernes. Les ruelles sont larges, propres, bordées d’arcades. Ici, on vient acheter son pain, son huile d’argan pressée sous les yeux, ses pâtisseries traditionnelles ou ses livres. L’odeur du bois de cèdre flotte depuis les ateliers de menuiserie. C’est serein, authentique, et c’est ici que vous trouverez certaines des plus belles librairies et maisons de thé traditionnelles de la ville, loin de la foule.
À proximité, le Palais Royal (Dar el-Makhzen) et son vaste méchouar (place d’apparat) valent le détour pour un aperçu de la grandeur officielle, bien qu’on ne visite pas les intérieurs.
Un Musée à Ciel Ouvert : L’Architecture Art Déco et Mauresque
C’est peut-être le plus grand plaisir de « Casa » : lever les yeux. La ville est un musée extraordinaire d’architecture du début du XXe siècle, né de la folie créative des années 30. Le centre-ville (autour du Boulevard Mohammed V et de la Place des Nations Unies) en est le théâtre.
Comment le découvrir ? Il suffit de se promener. Cherchez les façades :
- Les motifs floraux stylisés, les fontaines en mosaïque, les balcons courbes et les vitraux des immeubles Art Déco.
- Les fenêtres à moucharabiehs et les arabesques géométriques du style Mauresque, revisitées avec une touche moderne.
- Les ferronneries extravagantes et les enseignes typographiques d’époque.
Quelques stars absolues : l’immeuble Liberté (Place de la Liberté), le Cinéma Rialto, l’ancien Hôtel Transatlantique (aujourd’hui siège de la Wilaya) et le sublime Théâtre Mohammed V. Pour les passionnés, des associations organisent des visites guidées thématiques.
Sinon, perdez-vous simplement. Entrez dans les halls d’immeubles (si les portes sont ouvertes, avec discrétion) pour découvrir des escaliers en marbre et des verrières magnifiques. C’est cette couche d’histoire moderne, cette élégance un peu défraîchie, qui donne à Casa son charme unique et mélancolique.
Vivre Comme un « Casaoui » : Marchés, Cafés et Vie Nocturne
Pour toucher le pouls de la ville, il faut aller là où les habitants vont.
- Le Marché Central : Mon préféré. Sous une grande halle des années 30, c’est un festival de couleurs et d’odeurs. L’étal de poissons est un spectacle en soi – on y trouve tout ce que l’Atlantique a offert le matin même. À côté, les primeurs débordent de fruits et légumes. À l’étage, de petits restaurants servent les produits du marché, grillés à la minute. C’est l’endroit parfait pour un déjeuner frais, simple et délicieux.
- Les Cafés Historiques : Casablanca a une vraie culture du café. Le Café de France sur la Place des Nations Unies est une institution pour observer le flot des Casaouis pressés. Le Café La SQALA, installé dans une ancienne batterie portugaise entourée de jardins, est une oasis de paix incroyable pour un thé à la menthe.
- La Nuit : Le soir, la Corniche s’anime d’une autre manière. Pour une ambiance plus branchée et contemporaine, direction le quartier Gauthier ou Racine, où galeries d’art, boutiques de créateurs et excellents restaurants se multiplient. Le Maine Food à l’ancien marché de gros (Marché de Gros) est un exemple parfait de cette revitalisation : un lieu industriel transformé en espace gastronomique branché.
La Table Casaouie : Des Fruits de Mer, de la Modernité et du Vin
Oubliez le tagine omniprésent. Ici, c’est le règne du produit frais et d’une scène culinaire en pleine effervescence.
- Les Fruits de Mer, Évidemment : C’est la spécialité absolue. Au Marché Central, au Port de pêche (où l’on choisit son poisson sur le quai avant de le faire griller dans l’une des échoppes rudimentaires), ou dans les restaurants de la Corniche comme Cabestan ou La Mer. Commandez des gambas grillées, une dorade au four, des oursins ou une salade de poulpe. Accompagnez cela d’un vin marocain blanc – la production locale, surtout de la région de Meknès, est excellente et surprendra les plus sceptiques.
- La Nouvelle Scène Gourmande : Casablanca est le laboratoire de la gastronomie marocaine moderne. Des chefs réinterprètent les classiques avec une présentation et des produits d’exception. Des adresses comme NKOA (cuisine créative marocaine) ou Le Gatsby (brasserie chic) en sont les ambassadeurs.
- Le Snack Incontournable : Le sandwich au poisson frit. Une baguette, un filet de merlan ou de sardine frit à la perfection, de la salade, des condiments piquants. Rapide, délicieux et typique. Cherchez les petites échoppes fréquentées par la foule.
Échappées Belle : Rabat et El Jadida
Casablanca est parfaitement située pour des excursions d’une journée.
- Rabat : À seulement 1h de train (les trains sont modernes, fréquents et ponctuels). La capitale administrative offre un contraste total : calme, verdoyante, chargée d’histoire. Visitez la magnifique Tour Hassan et le Mausolée Mohammed V, l’élégante Kasbah des Oudayas face à l’océan, et le fascinant Musée Mohammed VI d’Art Moderne et Contemporain (le MMA). C’est une bouffée d’air et d’histoire.
- El Jadida (Mazagan) : À 1h30 au sud, cette ville côtière possède une citadelle portugaise classée à l’UNESCO absolument magnifique. Ses remparts, ses rues tranquilles et sa fameuse Citerne Portugaise (un lieu souterrain aux reflets d’eau magiques) vous transporteront. Parfait pour combiner histoire et balade au bord de l’eau.
Le Guide de Survie Urbain (Très Pragmatique)
- Se Déplacer : Le tramway est propre, efficace et traverse la ville d’est en ouest. C’est le meilleur moyen. Pour le reste, les petits taxis bleus (petits taxis) sont légion. Insistez pour mettre le compteur. Les applications de VTC comme Careem ou Heetch fonctionnent très bien et évitent les négociations. Évitez de louer une voiture pour circuler en centre-ville ; la circulation est chaotique et le stationnement, un cauchemar.
- Où Loger : Pour être au centre de l’action (architecture, restaurants), choisissez le centre-ville près du Bd Mohammed V ou le quartier Gauthier. Pour le calme et la vue sur mer, les hôtels le long de la Corniche (comme le Four Seasons ou le Club Val d’Anfa). Pour une immersion locale et plus économique, un appartement dans le quartier des Habous.
- Sécurité : Casablanca est une grande métropole. Les précautions standard s’appliquent : vigilance dans la foule, éviter les ruelles sombres et isolées la nuit, garder ses objets de valeur discrètement. Le centre-ville et la Corniche sont très animés et sûrs en journée et en début de soirée.
Conclusion : L’Amour Vient Avec le Temps
Casablanca ne séduit pas en cinq minutes. Elle n’offre pas de paysage facile à capturer d’un clic. Elle exige que l’on s’arrête, que l’on regarde au-delà de la façade parfois brutale, que l’on accepte son énergie parfois frustrante mais toujours vivante. Elle vous récompense alors par des moments uniques : la lumière dorée du soir sur une façade Art Déco, le bruit des vagues sous la mosquée, le sourire d’un vendeur du marché central, l’énergie créative palpable dans ses nouveaux quartiers.
On ne vient pas à Casablanca pour le Maroc des rêves. On y vient pour le Maroc réel, ambitieux, complexe et fascinant. C’est une ville qui grandit sur vous, et dont on finit par s’attacher à la franchise et à la force tranquille. Elle vous quitte moins avec des souvenirs de décors qu’avec le sentiment d’avoir compris quelque chose d’essentiel sur le pays d’aujourd’hui.
FAQ : Casablanca – Questions Fréquentes
FAQ Voyage à Casablanca
Casablanca vaut-elle vraiment le détour ou est-ce juste une ville de transit ?
C’est la grande question. Si vous ne cherchez que le médina traditionnel et l’exotisme, vous pourriez être déçu. Mais si vous vous intéressez à l’architecture du XXe siècle, à la vie urbaine marocaine contemporaine, à une scène gastronomique dynamique et à un monument aussi impressionnant que la Mosquée Hassan II, alors elle vaut absolument **2 nuits minimum**. C’est une expérience différente et complémentaire.
Combien de temps faut-il pour visiter la Mosquée Hassan II ?
Prévoyez **1h30 à 2h**. Les visites se font uniquement par des guides officiels à horaires fixes (plusieurs par jour, souvent en français et anglais). Renseignez-vous à l’avance sur les horaires. La visite de la salle de prière, des sous-sols (hammam, salle des ablutions) et de l’esplanade est très complète. Tenue vestimentaire correcte exigée.
Quel est le meilleur quartier pour se loger à Casablanca ?
Tout dépend de votre souhait : Centre-ville (près du Bd Mohammed V) : Idéal pour l’architecture Art Déco, les cafés historiques et l’énergie urbaine. Accès facile au tramway. La Corniche : Parfait pour une vue sur mer, les promenades et une ambiance plus balnéaire. Un peu loin du centre historique. Quartier des Habous : Pour une immersion dans un cadre plus traditionnel, calme et authentique.
Où manger les meilleurs fruits de mer à Casablanca ?
Pour l’expérience la plus locale et fraîche, allez au **Port de Pêche** (« Port de pêche ») : on choisit son poisson/coquillage sur les étals et on le fait cuire dans l’une des gargotes sur place. Pour plus de confort et une belle vue, les restaurants de **la Corniche** comme « Le Cabestan » sont excellents. Enfin, les petits restaurants à l’étage du **Marché Central** sont une valeur sûre.
Peut-on visiter Casablanca et Rabat dans la même journée ?
C’est possible mais très (trop) rapide. Les deux villes méritent du temps. Si vous êtes très pressé, prenez un **train tôt le matin** pour Rabat (1h), visitez la Tour Hassan et la Kasbah des Oudayas, et revenez à Casablanca pour la Mosquée Hassan II en fin d’après-midi. Mais pour profiter pleinement, **une journée par ville est un minimum**.
